l’amour que j’ai pour toi, qu’à celui que j’ai eu pour toi-même.
J’entends louer Camille par tous ceux qui la connoissent : ces louanges me touchent comme si elles m’étoient personnelles ; et j’en suis plus flatté qu’elle-même[1].
Quand il y a quelqu’un avec nous, elle parle avec tant d’esprit, que je suis enchanté de ses moindres paroles ; mais j’aimerois encore mieux qu’elle ne dît rien.
Quand elle fait des amitiés à quelqu’un, je voudrois être celui à qui elle fait des amitiés, quand, tout à coup, je fais réflexion que je ne serois point aimé d’elle.
Prends garde, Camille, aux impostures des amants. Ils te diront qu’ils t’aiment, et ils diront vrai : ils te diront qu’ils t’aiment autant que moi ; mais je jure par les dieux, que je t’aime davantage.
Quand je l’aperçois de loin, mon esprit s’égare : elle approche, et mon cœur s’agite : j’arrive auprès d’elle, et il semble que mon âme veut me quitter, que cette âme est à Camille, et qu’elle va l’animer.
Quelquefois je veux lui dérober une faveur ; elle me la refuse, et dans un instant elle m’en accorde une autre. Ce n’est point un artifice : combattue par sa pudeur et son amour, elle voudroit me tout refuser, elle voudroit pouvoir me tout accorder.
Elle me dit : Ne vous suffit-il pas que je vous aime ? que pouvez-vous désirer après mon cœur ? Je désire, lui dis-je, que tu fasses pour moi une faute que l’amour fait faire, et que le grand amour justifie.
Camille, si je cesse un jour de t’aimer, puisse la
- ↑ A. Je suis flatté de ces louanges, comme si elles m’étoient personnelles, et je sens en ce moment que j’ai de l’amour-propre.