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LE TEMPLE DE GNIDE.


Près de la ville, habite l’immortelle :
Vulcain bâtit son palais somptueux,
Pour réparer l’affront qu’à l’infidèle
Il fit jadis, en présence des dieux.

Il n’appartient qu’aux Grâces de décrire
Tous les attraits de ces lieux enchantés ;
L’or, les rubis, l’agate et le porphyre
En font le luxe, et non pas les beautés.

Dans les vergers, partout on voit éclore
Les dons brillants de Pomone et de Flore ;
Sur les rameaux la fleur succède au fruit ;
Le bouton sort du bouquet qui s’effeuille ;
Le fruit renaît sous la main qui le cueille :
Les Gnidiens que Vénus y conduit
Foulent en vain l’émail de la verdure :
Par un pouvoir, rival de la nature,
Le frais gazon soudain se reproduit.

Vénus permet à ses nymphes légères
De se mêler aux danses des bergères :
Là, quelquefois assise à leur côté,
Se dépouillant de sa grandeur suprême,
Elle contemple et partage elle-même
De ces cœurs purs l’innocente gaîté.
On voit de loin une vaste campagne
Qui fait briller les plus vives couleurs :
Le jeune amant y mène sa compagne.
Fait-elle choix de la moindre des fleurs ?
Pour son berger c’est toujours la plus belle :
Il croit que Flore exprès la fit pour elle.

L’eau du Céphée y fait mille détours :
Elle y retient les belles fugitives :
Il faut payer, quand on est sur ses rives,
Le doux baiser qu’on promit aux amours.
  Au seul abord de quelque nymphe agile,