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ANALYSE


Souvent les lois qui paroissent les mêmes n'ont ni le même motif, ni le même effet, ni la même équité ; la forme du gouvernement, les conjonctures, et le génie du peuple, changent tout. Enfin le style des lois doit être simple et grave. Elles peuvent se dispenser de motiver, parce que le motif est supposé exister dans l’esprit du législateur ; mais quand elles motivent, ce doit être sur des principes évidents. Elles ne doivent pas ressembler à cette loi qui, défendant aux aveugles de plaider, apporte pour raison qu’ils ne peuvent pas voir les ornements de la magistrature.

M. de Montesquieu, pour montrer par des exemples l’application de ses principes, a choisi deux différents peuples, le plus célèbre de la terre, et celui dont l’histoire nous intéresse le plus, les Romains et les François. Il ne s’attache qu’à une partie de la jurisprudence du premier, celle qui regarde les successions. A l'égard des François, il entre dans le plus grand détail sur l'origine et les révolutions de leurs lois civiles, et sur les différents usages abolis ou subsistants qui en ont été la suite. Il s’étend principalement sur les lois féodales, cette espèce de gouvernement inconnu à toute l’antiquité, qui le sera peut-être pour toujours aux siècles futurs, et qui a fait tant de biens et tant de maux. Il discute surtout ces lois dans le rapport qu’elles ont à l’établissement et aux révolutions de la monarchie françoise. Il prouve contre M. l’abbé Dubos que les Francs sont réellement entrés en conquérants dans les Gaules, et qu’il n’est pas vrai, comme cet auteur le prétend, qu’ils aient été appelés par les peuples pour succéder aux droits des empereurs romains qui les opprimoient. Détail profond, exact et curieux, mais dans lequel il nous est impossible de le suivre.

Telle est l’analyse générale, mais très-informe et très-imparfaite, de l’ouvrage de M. de Montesquieu. Nous l’avons séparée du reste de son Éloge, pour ne pas trop interrompre la suite de notre récit.

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