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LIVRE III, CHAP. III.


il parut aux portes d’Athènes[1], elle n’avoit encore perdu que le temps. On peut voir dans Démosthène quelle peine il fallut pour la réveiller : on y craignoit Philippe, non pas comme l’ennemi de la liberté, mais des plaisirs[2]. Cette ville, qui avoit résisté à tant de défaites, qu’on avoit vue renaître après ses destructions, fut vaincue à Chéronée, et le fut pour toujours. Qu’importe que Philippe renvoie tous les prisonniers[3] ? Il ne renvoie pas des hommes. Il étoit toujours aussi aisé de triompher des forces d’Athènes qu’il étoit difficile[4] de triompher de sa vertu.

Comment Carthage auroit-elle pu se soutenir ? Lorsque Annibal, devenu préteur, voulut empêcher les magistrats de piller la république, n’allèrent-ils pas l’accuser devant les Romains ? Malheureux, qui vouloient être citoyens sans qu’il y eût de cité, et tenir leurs richesses de la main de leurs destructeurs ! Bientôt Rome leur demanda pour otages trois cents de leurs principaux citoyens ; elle se fit livrer les armes et les vaisseaux, et ensuite leur déclara la guerre. Par les choses que fit le désespoir dans Carthage désarmée[5], on peut juger de ce qu’elle auroit pu faire avec sa vertu, lorsqu’elle avoit ses forces.

  1. Elle avoit vingt mille citoyens. Voyez Démosthène, in Aristog. (M.)
  2. Ils avoient fait une loi pour punir de mort celui qui proposeroit de convertir aux usages de la guerre l’argent destiné pour les théatres. (M.)
  3. A. B. Renvoie les prisonniers. La correction est dans l’édition in-12 de 1751.
  4. A. B. Qu’il auroit été difficile, etc.
  5. Cette guerre dura trois ans. (M.) Tite-Live, XXXIII, XLVI.
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