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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t3.djvu/342

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DE L'ESPRIT DES LOIS.

Des âmes, partout effarouchées et rendues plus atroces, n'ont pu être conduites que par une atrocité plus grande.

Voilà l'origine, voilà l'esprit des lois du Japon. Mais elles ont eu plus de fureur que de force. Elles ont réussi à détruire le christianisme ; mais des efforts si inouis sont une preuve de leur impuissance. Elles ont voulu établir une bonne police, et leur foiblesse a paru encore mieux.

Il faut lire la relation de l'entrevue de l'empereur et du deyro à Méaco [1]. Le nombre de ceux qui y furent étouffés, ou tués par des garnements, fut incroyable; on enleva les jeunes filles et les garçons ; on les retrouvoit tous les jours exposés dans des lieux publics, à des heures indues, tout nus, cousus dans des sacs de toile, afin qu'ils ne connussent pas les lieux par où ils avoient passé ; on vola tout ce qu'on voulut ; on fendit le ventre à des chevaux pour faire tomber ceux qui les montoient ; on renversa des voitures pour dépouiller les dames. Les Hollandois, à qui l'on dit qu'ils ne pouvoient passer la nuit sur des échafauds sans être assassinés, en descendirent, etc.

Je passerai vite sur un autre trait. L'empereur, adonné à des plaisirs infâmes , ne se marioit point : il couroit risque de mourir sans successeur. Le deyro lui envoya deux filles très-belles : il en épousa une par respect, mais il n'eut aucun commerce avec elle. Sa nourrice fit chercher les plus belles femmes de l'empire; tout étoit inutile ; la fille d*un armurier étonna son goût [2] ; il se détermina, il en eut un fils. Les dames de la cour, indignées de ce qu'il leur avoit préféré une personne d'une si basse naissance, étouffèrent l'enfant. Ce crime fut caché à l'empe-

  1. Receuil des voyages qui ont servi à l'établissement de la compagnie des Indes, t. V, p. 2.(M.)
  2. 2. Ibid. (M.)