A mesure que le luxe s’établit dans une république, l'esprit se tourne vers l’intérêt particulier. A des gens à qui il ne faut rien que le nécessaire, il ne reste à désirer que la gloire de la patrie et la sienne propre. Mais une âme corrompue par le luxe a bien d’autres désirs. Bientôt elle devient ennemie des lois qui la gênent. Le luxe que la garnison de Rhége commença à connoître, fit qu’elle en égorgea les habitants.
Sitôt que les Romains furent corrompus, leurs désirs devinrent immenses [1]. On en peut juger par le prix qu’ils mirent aux choses. Une cruche de vin de Falerne [2] se vendoit cent deniers romains ; un baril de chair salée du Pont en coûtoit quatre cents ; un bon cuisinier, quatre talents : les jeunes garçons n’avoient point de prix. Quand, par une impétuosité [3] générale, tout le monde se portoit à la volupté, que devenoit la vertu ?