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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t3.djvu/48

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XXVIII
INTRODUCTION


auquel on reconnaît le pédant de sacristie. Montesquieu est traité de politique qui déraisonne, de réfléchisseur volage, d’auteur vagabond, de rhéteur sophiste. « C’est un don Quichotte ; c’est un homme à chimères, qui se joue de la raison, des mœurs et de la religion ; qui cède à l'envie de faire briller son esprit aux dépens de son cœur, et dont le moindre défaut est d’avoir la tête entièrement renversée, etc. » Ce sont toujours les mômes impertinences. On dirait que l’ignorance est un titre de noblesse qui donne le droit d’insulter la science comme une parvenue.

Personne ne prit la peine de répondre à l’abbé de Bonnaire, sauf Boulanger de Rivery, qui le traita assez mal dans son Apologie de l'Esprit des lois en réponse aux observations de M. de la Porte. Montesquieu ne fit aucune attention à une critique qui ne prouvait que la sottise de l’écrivain. [1]

Il n’en fut pas de même quand il fut attaqué par les Nouvelles ecclésiastiques. C’était une feuille janséniste qui eut une certaine célébrité au siècle dernier. Le gazetier ecclésiastique, qui voyait dans l’Esprit des lois une de ces productions que la bulle UNGENITUS a si fort multipliées, publia deux articles dans les numéros du 9 et du 16 octobre 1749 : le premier afin de prouver que Montesquieu était athée, calomnie ridicule qui ne pouvait tromper personne ; le second afin de démontrer qu’il était déiste, ce qui peut-être n’était pas aussi loin de la vérité [2].

Au début Montesquieu ne parut pas s’inquiéter de tout ce bruit. « Quant à mon livre de l’Esprit des lois, écrivait-il à Mgr Cerati, j’entends quelques frelons qui bourdonnent autour de moi ; mais si les abeilles y cueillent un peu de miel, cela me suffit [3]. » Ce fut son ami l’abbé de

  1. Élie Luzac, dans ses Remarques d'un anonyme sur l’Esprit des lois, a cité plus d’une fois l’ouvrage de l'abbé de Bonnaire.
  2. Ces deux articles furent réimprimés et publiés séparément sous le titre d'Examen critique de l’Esprit des lois.
  3. Lettre du 2 novembre 1749.