Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t3.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
XXXVII
A L’ESPRIT DES LOIS.


publia des Observations sur l'Esprit des lois, ou l’art de le lire, de l'entendre et d’en juger [1] avec l’épigraphe :

Quæ in nemora, aut quos agor in specus [2].

Le titre dit bien ce que l'écrivain s’est proposé de faire. Le livre contient autant d’éloge que de blâme. D’une part l’Esprit des lois est l’ouvrage « le plus curieux, le plus étendu, le plus intéressant qui ait paru depuis longtemps » ; c’est un livre qui contient de l’or en masse ; c’est un Pérou, c’est un tableau moral de l’univers. D’autre part, c’est un labyrinthe où l’on se perd ; c’est le portefeuille d’un homme d’esprit, mais ce n’est qu’un portefeuille, « c’est-à-dire un amas de pièces décousues, un tas de morceaux détachés  ; enfin une infinité d’excellents matériaux, dont on pouvait faire un très bon livre... » On n’aperçoit « qu’une infinité de petits anneaux, dont les uns sont d’or à la vérité, les autres de diamants et de pierres les plus rares et les plus précieuses ; mais enfin ce ne sont que des anneaux qui ne forment point une chaîne [3]. » Il faut reconnaître que l'abbé de la Porte n’est pas le seul qui ait adressé de pareils reproches à l’Esprit des lois.

En dehors de ces réflexions sur l’absence de méthode, l’abbé de la Porte divise sa critique en cinq articles : religion, morale, politique, jurisprudence et commerce. Sur chaque point il s’efforce de prouver que l’Esprit des lois rapporte tout au climat et au gouvernement. C’est aller plus loin que l'auteur ; aussi Montesquieu a-t-il pu dire avec raison : « L’abbé de la Porte m’a critiqué sans m’entendre [4]. » Quelques-unes des observations ne manquent pas de finesse ; mais l’œuvre est médiocre ; je n’en ai pu rien tirer pour mon commentaire. Montesquieu, en appelant l’auteur le futile La Porte, l'a jugé d’un mot.

  1. Un Vol. in-12, sous la rubrique d’Amsterdam, chez Pierre Mortier.
  2. Horace. Od. XIX. Liv. III.
  3. Observations, page 49.
  4. Lettre du 27 juin 1752.