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DE L’ESPRIT DES LOIS.

cette matière qui, malgré les éclaircissements de tant d’habiles gens, ne laissoit pas d’être encore de nos jours défigurée par des absurdités.

Après ces notions préliminaires, la constitution des gouvernements, leur force offensive et défensive, la liberté, le physique du climat et du terroir, l’esprit général de la nation, le commerce, la population, sont les principaux chefs auxquels notre auteur rapporte la législation[1]. C’est de ces rapports primitifs qu’une infinité d’autres coulent comme de leur source.

Pour ce qui est de la constitution, il fixe trois espèces de gouvernements : républicain, monarchique et despotique. Il en découvre la nature, et il montre les lois fondamentales qui en dérivent. Ces lois partent d’elles-mêmes d’une si grande universalité, qu’on peut les regarder comme la base de la constitution. Comme c’est par ces lois fondamentales qu’il faut régler la puissance souveraine, les droits. des sujets et les fonctions des magistrats, aussi est-ce dans la juste fixation de ces mêmes lois que notre auteur s’est signalé. J’oserai presque dire que ses théories n’ont pas produit une admiration stérile. Il ne s’arrête pas à des préjugés ; il va directement au but des choses, tirant ces lois de la nature de chaque constitution. C’est ainsi qu’un auteur judicieux établit des principes.

Comme chaque espèce de gouvernement, outre ses lois fondamentales qui lui sont propres, a besoin aussi de ressorts particuliers qui maintiennent et soutiennent sa constitution et la fassent agir, notre auteur, avec un esprit de justesse et de

  1. J’ai cru à propos, en renvoyant le lecteur à l’original, de me taire, dans mon travail, à l’égard des lois civiles de la monarchie françoise et de ses lois féodales, matières difficiles, épineuses, et qui demandent des connoissances locales et sans nombre. J’en ai agi de même au sujet des lois par rapport à la religion. Eh ! comment un écrivain subalterne oseroit-il lever ses mains tremblantes pour cueillir des fruits d’un arbre qui a sa racine dans le ciel ? Je n’ai rien dit non plus sur quelques exemples. Néanmoins toutes les grosses masses y restent. (Bertolini.)