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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t4.djvu/292

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CHAPITRE XIX.


DE LA LIBERTÉ DES ARABES ET DE LA SERVITUDE
DES TARTARES.


Les Arabes et les Tartares sont des peuples pasteurs. Les Arabes se trouvent dans les cas généraux dont nous avons parlé, et sont libres ; au lieu que les Tartares (peuple le plus singulier de la terre) se trouvent dans l’esclavage politique [1]. J'ai déjà [2] donné quelques raisons de ce dernier fait : en voici de nouvelles.

Ils n’ont point de villes, ils n’ont point de forêts, ils ont peu de marais ; leurs rivières sont presque toujours glacées ; ils habitent une immense plaine ; ils ont des pâturages et des troupeaux, et par conséquent des biens : mais ils n’ont aucune espèce de retraite ni de défense. Sitôt qu’un kan est vaincu, on lui coupe la tète [3] ; on traite de la même manière ses enfants ; et tous ses sujets appartiennent au vainqueur. On ne les condamne pas à un esclavage civil ; ils seroient à charge à une nation simple, qui n’a point de terres à cultiver, et n’a besoin d’aucun service domestique. Ils augmentent donc la

  1. Lorsqu’on proclame un kan, tout le peuple s’écrie : Que sa parole lui serve de glaive. (M.)
  2. Liv. XVII, chap. V. (M.)
  3. Ainsi, il ne faut pas être étonné si Mirvéis, s’étant rendu maître d’Ispahan, fit tuer tous les princes du sang. (M.)