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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t4.djvu/33

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LIVRE XI, CHAP. VI.

Si la puissance exécutrice n’a pas le droit d’arrêter les entreprises du corps législatif, celui-ci sera despotique ; car, comme il pourra se donner tout le pouvoir qu’il peut imaginer, il anéantira toutes les autres puissances.

Mais il ne faut pas que la puissance législative ait réciproquement la faculté d’arrêter la puissance exécutrice. Car, l’exécution ayant ses limites par sa nature, il est inutile de la borner ; outre que la puissance exécutrice s’exerce toujours [1] sur des choses momentanées. Et la puissance des tribuns de Rome étoit vicieuse, en ce qu’elle arrêtoit non-seulement la législation, mais même l’exécution : ce qui causoit de grands maux.

Mais si, dans un État libre, la puissance législative ne doit pas avoir le droit d’arrêter la puissance exécutrice, elle a droit, et doit avoir la faculté d’examiner de quelle manière les lois qu’elle a faites ont été exécutées ; et c’est l’avantage qu’a ce gouvernement sur celui de Crète et de Lacédémone, où les Cosmes et les Éphores ne rendoient point compte de leur administration [2].

Mais, quel que soit cet examen, le corps législatif ne doit point avoir le pouvoir de juger la personne, et par conséquent la conduite de celui qui exécute. Sa personne doit être sacrée, parce qu’étant nécessaire à l’État pour que le corps législatif n’y devienne pas tyrannique, dès le moment qu’il seroit accusé ou jugé, il n’y auroit plus de liberté.

Dans ce cas l’État ne seroit point une monarchie, mais une république non libre. Mais comme celui qui exécute ne peut exécuter mal sans avoir des conseillers méchants,

  1. A. B. Presque toujours.
  2. Aristote, Politique, liv. II, ch. IX C. X.