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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t4.djvu/349

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LIVRE XIX, CHAP. XIX.


gens, des magistrats à ceux qui leur étoient soumis, de l’empereur à ses sujets. Tout cela formoit les rites, et ces rites l'esprit général de la nation.

On va sentir le rapport que peuvent avoir, avec la constitution fondamentale de la Chine, les choses qui paroissent les plus indifférentes. Cet empire est formé sur l'idée du gouvernement d’une famille. Si vous diminuez l’autorité paternelle, ou même si vous retranchez les cérémonies qui expriment le respect que l'on a pour elle, vous affoiblissez le respect pour les magistrats, qu’on regarde comme des pères ; les magistrats n’auront plus le même soin pour les peuples, qu’ils doivent considérer comme des enfants ; ce rapport d’amour qui est entre le prince et les sujets se perdra aussi peu à peu. Retranchez une de ces pratiques, et vous ébranlez l’État. Il est fort indifférent en soi que tous les matins une belle-fille se lève pour aller rendre tels et tels devoirs à sa belle-mère ; mais si l’on fait attention que ces pratiques extérieures rappellent sans cesse à un sentiment qu’il est nécessaire d’imprimer dans tous les cœurs, et qui va de tous les cœurs former l’esprit qui gouverne l’empire, l’on verra qu’il est nécessaire qu’une telle ou une telle action particulière se fasse [1].

  1. Ces observations sur le caractère des institutions chinoises sont ingénieuses et vraies ; mais il ne faut pas s'imagincr que le culte des uîeux soit une invention, un calcul de législateur. Montesquieu est tombé dans une erreur trop répandue au XVIIIe siècle. Ces premières législations sont des coutumes nationales, qui ont leur racine dans les croyances et les mœurs du peuple ; le législateur les reconnaît ; il ne les crée pas.
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