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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t4.djvu/369

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LIVRE XIX, CHAP. XXVII.


gueroit par une vie plus retirée, une conduite plus réservée, et des mœurs plus pures.

Ce clergé ne pouvant protéger la religion, ni être protégé par elle, sans force pour contraindre, chercherait à persuader : on verroit sortir de sa plume de très-bons ouvrages, pour prouver la révélation et la providence du grand Être.

Il pourroit arriver qu’on éluderoit ses assemblées, et qu’on ne voudroit pas lui permettre de corriger ses abus mêmes [1] ; et que, par un délire de la liberté, on aimeroit mieux laisser sa réforme imparfaite, que de souffrir qu’il fût réformateur.

Les dignités, faisant partie de la constitution fondamentale, seroient plus fixes qu’ailleurs ; mais, d’un autre côté, les grands, dans ce pays de liberté, s’approcheroient plus du peuple ; les rangs seroient donc plus séparés, et les personnes plus confondues [2].

Ceux qui gouvernent ayant une puissance qui se remonte, pour ainsi dire, et se refait tous les jours, auraient plus d’égard pour ceux qui leur sont utiles que pour ceux qui les divertissent : ainsi on y verroit peu de courtisans, de flatteurs, de complaisants, enfin de toutes ces sortes de gens qui font payer aux grands le vide même de leur esprit.

On n’y estimerait guère les hommes par des talents ou des attributs frivoles, mais par des qualités réelles ; et de ce genre il n’y en a que deux : les richesses et le mérite personnel.

  1. En effet on a laissé tomber les convocations da clergé ; c'est le Parlement qui règle les affaires ecclésiastiques.
  2. On sait qae les fils d'un pair d'Angleterre sont de simples citoyens (commoners). Les mœurs font une grande distinction entre les rangs que donne la naissance ; mais ces distinctions la loi ne les connaît pas.