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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t4.djvu/397

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CHAPITRE XV.


DE LA CONTRAINTE PAR CORPS.


Solon [1] ordonna à Athènes qu’on n’obligeroit plus le corps pour dettes civiles. Il tira [2] cette loi d’Egypte ; Bocchoris l’avoit faite, et Sésostris l'avoit renouvelée.

Cette loi est très-bonne pour les affaires [3] civiles ordinaires ; mais nous avons raison de ne point l’observer dans celles du commerce. Car les négociants étant obligés de confier de grandes sommes pour des temps souvent fort courts, de les donner et de les reprendre, il faut que le débiteur remplisse toujours au temps fixé ses engagements : ce qui suppose la contrainte par corps [4].

Dans les affaires qui dérivent des contrats civils ordinaires, la loi ne doit point donner la contrainte par corps, parce qu’elle fait plus de cas de la liberté d’un citoyen

  1. Plutarque, au traité, Qu’il ne faut point emprunter à usure, C. IV. (M.)
  2. Diodore, liv. I, part. II, C. LXXIX. (M.)
  3. Les législateurs grecs étoient blâmables, qui avoient défendu de prendre en gage les armes et la charrue d’un homme, et permettoient de prendre l'homme même. Diodore, liv. I, part. II, C. LXXIX. (M.)
  4. Cette supposition n'est pas nécessaire. La crainte de la faillite et du déshonneur suffisent à garantir l'exactitude du débiteur. Il est vrai qu’au temps de Montesquieu, et même plus tard, on avoit d’autres idées. On considéroit l’abolition de la contrainte par corps comme la ruine du commerce. C'était un préjugé au-dessus duquel Montesquieu n’a pas su s’élever.