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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t4.djvu/424

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DE L’ESPRIT DES LOIS.


lande [1]. Leurs navires, qui doivent en sortir et y rentrer, sont d’une fabrique ronde et large de fond ; au lieu que les navires d’autres nations qui ont de bons ports, sont, par le bas, d’une forme qui les fait entrer profondément dans l’eau. Cette mécanique fait que ces derniers navires naviguent [2] plus près du vent, et que les premiers ne naviguent presque que quand ils ont le vent en poupe. Un navire qui entre beaucoup dans l’eau, navigue vers le même côté à presque tous les vents ; ce qui vient de la résistance que trouve dans l’eau le vaisseau poussé par le vent, qui fait un point d’appui, et de la forme longue du vaisseau qui est présenté au vent par son côté, pendant que, par l’effet de la figure du gouvernail, on tourne la proue vers le côté que l’on se propose ; en sorte qu’on peut aller très-près du vent, c’est-à-dire, très-près du côté d’où vient le vent. Mais quand le navire est d’une figure ronde et large de fond, et que par conséquent il enfonce peu dans l’eau, il n'y a plus de point d’appui ; le vent chasse le vaisseau, qui ne peut résister, ni guère aller que du côté opposé au vent. D’où il suit que les vaisseaux d’une construction ronde de fond sont plus lents dans leurs voyages : 1° ils perdent beaucoup de temps à attendre le vent, surtout s’ils sont obligés de changer souvent de direction ; 2° ils vont plus lentement, parce que, n’ayant pas de point d’appui, ils ne sauroient porter autant de voiles que les autres. Que si, dans un temps où la marine s’est si fort perfectionnée [3], dans un temps où les arts se

  1. Je dis de la province de Hollande ; car les ports de celle de Zélande sont assez profonds. (M.)
  2. Montesquieu écrit toujours navige et naviger.
  3. La phrase : dans un temps où la marine s’est si fort perfectionnée, paraît pour la première fois dans B.