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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t4.djvu/465

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LIVRE XXI, CHAP. XVI.

Il fallut donc se contenter de négocier avec les Arabes, comme les autres peuples avoient fait, c’est-à-dire de leur porter de l’or et de l’argent pour leurs marchandises. On commerce encore avec eux de la même manière ; la caravane d’Alep et le vaisseau royal de Suez, y portent des sommes immenses [1].

La nature avoit destiné les Arabes au commerce ; elle ne les avoit pas destinés à la guerre ; mais lorsque ces peuples tranquilles se trouvèrent sur les frontières des Parthes et des Romains, ils devinrent auxiliaires des uns et des autres. Élius Gallus les avoit trouvés commerçants : Mahomet les trouva guerriers ; il leur donna de l’enthousiasme, et les voilà conquérants [2].

Le commerce des Romains aux Indes étoit considérable. Strabon [3] avoit appris en Egypte qu’ils y employoient cent vingt navires : ce commerce ne se soutenoit encore que par leur argent. Ils y envoyoient tous les ans cinquante millions de sesterces. Pline [4] dit que les marchandises qu’on en rapportoit se vendoient à Rome le centuple. Je crois qu’il parle trop généralement : ce profit fait une fois, tout le monde aura voulu le faire ; et, dès ce moment, personne ne l’aura fait.

On peut mettre en question s’il fut avantageux aux Romains de faire le commerce de l’Arabie et des Indes. Il falloit qu’ils y envoyassent leur argent, et ils n’avoient pas, comme nous, la ressource de l’Amérique, qui supplée à ce que nous envoyons. Je suis persuadé qu’une des

  1. Les caravanes d'Alep et de Suez y portent deux millions de notre monnoie, et il en passe autant en fraude ; le vaisseau royal de Suez y porte aussi deux millions. (M.)
  2. A. B. n'ont point ce paragraphe.
  3. Liv. II, p. 181, édit. de l'année 1587. (M.)
  4. Liv. VI, C. XXIII. (M.)