Elle seule savoit faire les citoyens ; elle seule faisoit les grands hommes ; elle seule faisoit les grands empereurs.
Faîtes pour un moment abstraction des vérités révélées ; cherchez dans toute la nature» et vous n’y trouverez pas de plus grand objet que les Antonins ; Julien même, Julien, (un suffrage ainsi arraché, ne me rendra point complice de son apostasie), non, il n'y a point eu après lui de prince plus digne de gouverner les hommes [1].
Pendant que les stoïciens regardoient comme une chose vaine les richesses, les grandeurs humaines, la douleur, les chagrins, les plaisirs, ils n’étoient occupés qu’à travailler au bonheur des hommes, à exercer les devoirs de la société : il sembloit qu’ils regardassent cet esprit sacré qu’ils croyoient être en eux-mêmes, comme une espèce de providence favorable qui veilloit sur le genre humain.
Nés pour la société, ils croyoient tous que leur destin étoit de travailler pour elle : d’autant moins à charge, que leurs récompenses étoient toutes dans eux-mêmes ; qu’heureux par leur philosophie seule, il sembloit que le seul bonheur des autres pût augmenter le leur [2].
- ↑ Cet éloge de Julien, qui rappelle celui que Montaigne en a fait, est un des passages de l'Esprit des lois qui choque le plus CREVIER. Joignez à cela que Montesquieu ose traiter de grands hommes Bayle (XIV, VI.) et Machiavel (VI, v.) ; c'en est assez pour que l'excellent professeur s'écrie : « Qui ne peut pas sentir dans ces traits l'inclination à louer ses semblables ? » En d'autres termes, Montesquieu a un faible pour tous ceux qui ont fait profession d'impiété. Traduisez pieusement : Il est leur complice.
- ↑
Lucain : II, 380.
Hic mores, hæc duri immota Cantonis
Secta fuit, servare modum, finemque tenere,
Natramqae sequi, patræquo impendere vitam,
Non sibi, sed toti genitum se credere mundo.
pris de la foi en devroit faire ; car la foi suppose les bonnes œuvres, comme une cause suppose les effets qui en doivent résulter. (LUZAC.)