Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t5.djvu/176

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
160
DE L’ESPRIT DES LOIS.


grand attachement pour la religion, parce que les motifs dont nous venons de parler se trouvent joints à notre penchant naturel pour les choses sensibles. Aussi les catholiques, qui ont plus de cette sorte de cul te que les protestants, sont-ils plus invinciblement attachés à leur religion que les protestants ne le sont à la leur, et plus zélés pour sa propagation [1].

Lorsque [2] le peuple d’Éphèse eut appris que les pères du concile avoient décidé qu’on pouvoit appeler [3] la Vierge Mère de Dieu, il fut transporté de joie ; il baisoit les mains des évêques, il embrassoit leurs genoux ; tout retentissoit d’acclamations.

Quand une religion intellectuelle nous donne encore l’idée d’un choix fait par la Divinité, et d’une distinction de ceux qui la professent d’avec ceux qui ne la professent pas, cela nous attache beaucoup à cette religion. Les mahométans ne seroient pas si bons musulmans, si d’un côté il n’y avoit pas de peuples idolâtres qui leur font penser qu’ils sont les vengeurs de l’unité de Dieu, et de l’autre des chrétiens, pour leur faire croire qu’ils sont l’objet de ses préférences.

Une religion chargée de beaucoup [4] de pratiques attache plus à elle qu’une autre qui l’est moins : on tient beaucoup aux choses dont on est continuellement occupé ; témoin l’obstination tenace des mahométans [5] et des Juifs,

  1. Ils sont plus zélés, etc., est en note dans A. B.
  2. Lettre de saint Cyrille. (M.)
  3. Le concile d'Éphèse n'a pas décidé que l'on pouvoit, mais que l'on devait appeler Marie, mère de Dieu. (CRÉVIER.)
  4. Ceci n’est point contradictoire avec ce que j'ai dit au chapitre pénultième du livre précédent : ici je parle des motifs d’attachement pour une religion, et le, des moyens de la rendre plus générale. (M.)
  5. Cela se remarque par toute la terre. Voyez sur les Turcs les Missions du Levant ; le Recueil des Voyages qui ont servi à l’établissement de la com-