Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t5.djvu/213

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

CHAPITRE VI.


QUE L'ORDRE DES SUCCESSIONS DÉPEND
DES PRINCIPES DU DROIT POLITIQUE OU CIVIL ET NON PAS
DES PRINCIPES DU DROIT NATUREL.


La loi Voconienne ne permettoit point d’instituer une femme héritière, pas même sa fille unique. Il n’y eut jamais, dit saint Augustin [1], une loi plus injuste. Une formule de Marculfe [2] traite d’impie la coutume qui prive les filles de la succession de leurs pères. Justinien [3] appelle barbare le droit de succéder des mâles, au préjudice des filles. Ces idées sont venues de ce que l’on a regardé le droit que les enfants ont de succéder à leurs pères, comme une conséquence de la loi naturelle ; ce qui n’est pas.

La loi naturelle ordonne aux pères de nourrir leurs enfants, mais elle n’oblige pas de les faire héritiers. Le partage des biens, les lois sur ce partage, les successions après la mort de celui qui a eu ce partage : tout cela ne peut avoir été réglé que par la société, et par conséquent par des lois politiques ou civiles.

Il est vrai que l’ordre politique ou civil demande sou-

  1. De civitats Dei, liv. III. (M.) V. Inf. Livre XXVII.
  2. Liv. II, ch. XII. (M.)
  3. Novelle 21. (M.)