Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t5.djvu/231

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
215
LIVRE XXVI, CHAP. XIV.


maisons pures, pour avoir inspiré à leurs enfants de l’horreur pour tout ce qui pouvoit les porter à l’union des deux sexes.

La prohibition du mariage entre cousins germains a la même origine. Dans les premiers temps, c’est-à-dire dans les temps saints, dans les âges où le luxe n’étoit point connu, tous les [1] enfants restoient dans la maison, et s’y établissoient : c’est qu’il ne falloit qu’une maison très-petite pour une grande famille. Les enfants [2] des deux frères, ou les cousins germains, étoient regardés et se regardoient entre eux comme frères. L’éloignement qui étoit entre les frères et les sœurs pour le mariage, étoit donc aussi entre les cousins germains [3].

Ces causes sont si fortes et si naturelles, qu’elles ont agi presque par toute la terre, indépendamment d’aucune communication. Ce ne sont point les Romains qui ont appris aux habitants de Formose [4] que le mariage avec leurs parents au quatrième degré étoit incestueux ; ce ne sont point les Romains qui l’ont dit aux Arabes [5] ; ils ne l’ont point enseigné aux Maldives [6].

Que si quelques peuples n’ont point rejeté les mariages entre les pères et les enfants, les sœurs et les frères, on a vu dans le livre premier [7], que les êtres intelligents ne

  1. Cela fut ainsi chez les premiers Romains. (M.)
  2. En effet, chez les Romains ils avoient le même nom ; les cousins germains étoient nommés frères. (M.)
  3. Ils le furent à Rome dans les premiers temps, jusqu'à ce que a peuple fit une loi pour les permettre : il vouloit favoriser un homme extrêmement populaire, et qui s'étoit marié avec sa cousine germaine. Plutarque, au traité des demandes des choses romaines. (M.)
  4. Recueil des voyages des Indes, tome V, part. I ; Relation de l'état de l'île de Formose. (M.)
  5. L’Alcoran, ch. des Femmes. (M.)
  6. Voyez François Pyrard. (M.)
  7. Sup., I, I.