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DE L’ESPRIT DES LOIS.


objet, lorsque sa loi étoit telle, qu’elle ne forçoit que les honnêtes gens à l’éluder.

Dans le temps que l’on fit la loi Voconienne, les mœurs avoient conservé quelque chose de leur ancienne pureté. On intéressa quelquefois la conscience publique en faveur de la loi, et l’on fit jurer qu’on l’observeroit [1] : de sorte que la probité faisoit, pour ainsi dire, la guerre à la probité. Mais, dans les derniers temps, les mœurs se corrompirent au point que les fidéicommis durent avoir moins de force pour éluder la loi Voconienne, que cette loi n’en avoit pour se faire suivre.

Les guerres civiles [2] firent périr un nombre infini de citoyens. Rome, sous Auguste, se trouva presque déserte ; il falloit la repeupler. On fit les lois Papiennes, où l’on n’omit rien de ce qui pouvoit encourager les citoyens à se marier et à avoir des enfants [3]. Un des principaux moyens fut d’augmenter, pour ceux qui seprètoient aux vues de la loi, les espérances de succéder, et de les diminuer pour ceux qui s’y refusoient ; et, comme la loi Voconienne avoit rendu les femmes incapables de succéder, la loi Papienne fit, dans de certains cas, cesser cette prohibition.

Les femmes [4], surtout celles qui avoient des enfants, furent rendues capables de recevoir en vertu du testament de leurs maris ; elles purent, quand elles avoient des enfants, recevoir en vertu du testament des étrangers : tout cela contre la disposition de la loi Voconienne : et il est remarquable qu’on n’abandonna pas entièrement l’écrit

  1. Sextilius disoit qu'il avoit juré de l'observer. Cicéron, de finib, bon et mal., liv. II, c. LV. (M.}
  2. C'est ici que recommence le texte de A. B.
  3. Voyez ce que j’en ai dit au liv. XXIII, ch. XXI. (M.)
  4. Voyez sur ceci les Fragm. d’Ulpien, tit. XV, § 16. (M.)