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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t5.djvu/282

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DE L’ESPRIT DES LOIS.


de Gondebaud fut très-impartiale, et ne fut pas plus favorable aux Bourguignons qu’aux Romains. Il paroît, par le prologue de cette loi, qu’elle fut faite pour les Bourguignons, et qu’elle fut faite encore pour régler les affaires qui pourroient naître entre les Romains et les Bourguignons ; et, dans ce dernier cas, le tribunal fut mi-parti. Cela étoit nécessaire pour des raisons particulières, tirées de l’arrangement [1] politique de ces temps-là. Le droit romain subsista dans la Bourgogne, pour régler les différends que les Romains pourroient avoir entre eux. Ceux-ci n’eurent point de raison pour quitter leur loi, comme ils en eurent dans le pays des Francs ; d’autant mieux que la loi salique n’étoit point établie en Bourgogne, comme il parolt par la fameuse lettre qu’Agobard écrivit à Louis le Débonnaire.

Agobard [2] demandoit à ce prince d’établir la loi salique dans la Bourgogne : elle n’y étoit donc pas établie. Ainsi le droit romain subsista, et subsiste encore dans tant de provinces qui dépendoient autrefois de ce royaume.

Le droit romain et la loi gothe se maintinrent de même dans le pays de l’établissement des Goths : la loi salique n’y fut jamais reçue. Quand Pépin et Charles-Martel en chassèrent les Sarrazins, les villes et les provinces qui se soumirent à ces princes [3] demandèrent à conserver leurs

  1. J'en parlerai ailleurs, liv. XXX, ch. VI, VII, VIII et II. (M.)
  2. Agobard. Opera. (M.)
  3. Voyez Gervais de Tilburi, dans le recueil de Duchesne, tome III, p. 366 : Facta pactione cum Francis, quod illic Gothi patriis legibus, moribus paternis vivant. Et sic Narbonensis provincia Pippino subjicitur. Et une chronique de l'an 759, rapportée par Catel, Hist. du Languedoc (a). Et

    a) A. B. donnent en note le passage de la chronique : Franei Narbanam obsident datogue sacramento Gothis, ut eivitatem traderent paritbus Pipini, permitterent rot legem suam habere ; quo facto Gothi Saravenos occiderunt, et civitatem partibus Pipini reddiderunt.