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DE L’ESPRIT DES LOIS.


rois donnèrent des Chartres particulières, et en donnèrent même de générales, de la manière dont je l'ai expliqué ci-dessus : tels sont les Établissements de Philippe-Auguste, et ceux que fit saint Louis. De même, les grands vassaux, de concert avec les seigneurs qui tenoient d’eux, donnèrent, dans les assises de leurs duchés ou comtés, de certaines Chartres ou Établissements, selon les circonstances ; telles furent l’assise de Geoffroi, comte de Bretagne, sur les partage des nobles ; les coutumes de Normandie, accordées par le duc Raoul ; les coutumes de Champagne, données par le roi Thibaut ; les lois de Simon, comte de Montfort, et autres. Cela produisit quelques lois écrites, et même plus générales que celles que l’on avoit.

2° Dans le commencement de la troisième race, presque tout le bas peuple étoit serf. Plusieurs raisons obligèrent les rois et les seigneurs de les affranchir.

Les seigneurs, en affranchissant leurs serfs, leur donnèrent des biens ; il fallut leur donner des lois civiles pour régler la disposition de ces biens. Les seigneurs, en affranchissant leurs serfs, se privèrent de leurs biens ; il fallut donc régler les droits que les seigneurs se réservoient pour l’équivalent de leur bien. L’une et l’autre de ces choses furent réglées par les Chartres d’affranchissement ; ces Chartres formèrent une partie de nos coutumes, et cette partie se trouva rédigée par écrit.

3° Sous le règne de saint Louis et les suivants, des praticiens habiles, tels que Défontaines, Beaumanoir, et autres, rédigèrent par écrit les coutumes de leurs bailliages. Leur objet étoit plutôt de donner une pratique judiciaire, que les usages de leur temps sur la disposition des biens. Mais tout s’y trouve ; et, quoique ces auteurs parti-