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LIVRE XXIX, CHAP. IX.


Du temps de la République, il n’y avoit point de loi à Rome qui punit ceux qui se tuoient eux-mêmes : cette action, chez les historiens, est toujours prise en bonne part, et l'on n’y voit jamais de punition contre ceux qui l'ont faite.

Du temps des premiers empereurs, les grandes familles de Rome furent sans cesse exterminées par des jugements. La coutume s’introduisit de prévenir la condamnation par une mort volontaire. On y trouvoit un grand avantage. On obtenoit [1] l’honneur de la sépulture, et les testaments étoient exécutés ; cela venoit de ce qu’il n’y avoit point de loi civile à Rome [2] contre ceux qui se tuoient eux-mêmes. Mais lorsque les empereurs devinrent aussi avares qu’ils avoient été cruels [3], ils ne laissèrent plus à ceux dont ils vouloient se défaire le moyen de conserver leurs biens, et ils déclarèrent que ce seroit un crime de s’ôter la vie par les remords d'un autre crime.

Ce que je dis du motif des empereurs est si vrai, qu’ils consentirent que les biens [4] de ceux qui se seroient tués eux-mêmes ne fussent pas confisqués, lorsque le crime pour lequel ils s’étoient tués n’assujettissoit point à la confiscation,

  1. Eorum qui de se statuebant, humabantur corpora, manebant testamenta, pretium festinandi. Tacite, Ann., lib. VI, c. XXIX. (M.)
  2. A. B. Cela venoit de ce qu'il n'y avoit point de loi contre ceux, etc.
  3. A. B : aussi avares que cruels.
  4. Rescrit de l'empereur Pie, dans la loi 3, § 1 et 2, ff. De bonis eorum qui ante sententiam mortem sibi consciverunt. (M.)
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