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DE L’ESPRIT DES LOIS.


pour suivre les usages [1], tantôt on quitta les usages pour suivre les lois ; mais, dans ce cas, l’usage devoit aisément prévaloir. Quand un homme emprunte, il trouve un obstacle dans la loi même qui est faite en sa faveur : cette loi a contre elle, et celui qu’elle secourt, et celui qu’elle condamne. Le préteur Sempronius Asellus ayant permis [2] aux débiteurs d’agir en conséquence des lois, fut tué par les créanciers [3] pour avoir voulu rappeler la mémoire d’une rigidité qu’on ne pouvoit plus soutenir [4].

  1. Veleri jam more fœnus receptum erat. Appien, de la Guerre civile, liv. I. (M.)
  2. Permisit eos legibus agere. Appien, de la Guerre civile, liv. I ; et l'Êpitome de Tite-Live, liv. LXIV. (M.)
  3. L'an de Rome 663. (M.)
  4. A. B. terminent le chapitre par les deux paragraphes suivants, et ne parlent point de l'usure dans les provinces.

    « Sous Sylla, L. Valerius Flaccus fit une loi qui permettoit l’intérêt à trois pour cent par an. Cette loi, la plus équitable et la plus modérée de celles que les Romains firent à cet égard, Paterculus a la désapprouve. Mais si cette loi étoit nécessaire à la République, si elle étoit utile à tous les particuliers, si elle formoit une communication d’aisance entre le débiteur et l’emprunteur, elle n'étoit point injuste.

    « Celui-là paye moins, dit Ulpien b, qui paye plus tard. Cela décide la question si l’intérêt est légitime, c’est-à-dire si le créancier peut vendre le temps, et le débiteur l’acheter.

    a Turpissimœ legis auctor qua creditoribus solvi quadraniem jusserat. Liv. II.

    Quelques auteurs ont interprété ce passage comme si la loi de Flaccus avoit ordonné qu’on payât seulement le quart du capital ; mais il me semble que ce n’étoit pas le langage des auteurs latins. Lorsqu’il s’agissoit do retranchement de dettes, on se servoit des mots de quadrans, triens, etc. , pour marquer l’usure, et tertia pars et quarta pars pour marquer le capital. 2° On fait le consul Valerius auteur d’une loi qu’auroit faite à peine un tribun séditieux. 3° On étoit dans le feu de la guerre civile ; et il étoit plus question de maintenir le crédit public que de le détruire ; enfin cette guerre civile n’avoit point pour objet l’abolissement des dettes. (M.)

    Crévier a démontré que si quadrantes usurœ veut dire en effet l’intérêt à trois pour cent, le mot quadrans seul n’a point ce sens, et ne peut s'entendre que du quart du capital. La question est tranchée par un passage du Catilina de Salluste, Argentum cere solulum est, disent les députés de C. Mallius à Q. Marcius Rex ; c’est-à-dire on a remboursé le sesterce d’argent en payant un as, monnaie de cuivre qui valoit le quart du sesterce. Quant à L. Val. Flaccus, c’étoit un partisan forcené de Marins, qui passa en Grèce pour faire la guerre à Sylla, et fut tué dans cette entreprise ; il étoit tout aussi séditieux qu’un tribun.

    b L. 12, Dig. De Verb. sign.