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EXAMEN CRITIQUE.


Lois a travaillé : ce n’est point dans la religion chrétienne qu’il puise les lumières dont il a besoin ; sa foible raison est le guide qui le conduit ; aussi tombe-t-il lourdement dès le premier pas. « Les lois, dans la signification la plus étendue, dit-il, sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses [1] ». Les lois, des rapports ! cela se conçoit-il ? Que les rapports qu’ont les êtres les uns avec les autres soient la cause ou plutôt l’occasion des lois : on le comprend ; mais que les lois soient des rapports, qui le comprendra ? Cependant Fauteur n’a pas changé la définition des lois sans dessein. Quel est donc son but ? Le voici :

Selon le nouveau Système, il y a entre tous les êtres qui forment ce que Pope appelle le grand Tout un enchaînement si nécessaire, que le moindre dérangement porteroit la confusion jusqu’au trône du premier Être ; c’est ce qui fait dire à Pope que les choses n’ont pu être autrement qu’elles ne sont, et que « tout est bien comme il est » . Cela posé, on entend la signification de ce langage nouveau, que les lois sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses ; à quoi l’on ajoute « que dans ce sens tous les êtres ont leurs lois : la Divinité a ses lois ; le monde matériel a ses lois ; les intelligences supérieures à l’homme ont leurs lois ; les bêtes ont leurs lois ; l’homme a ses lois ». Sur quoi l’auteur cite Plutarque, qui dit que « la loi est la reine de tous mortels et immortels ». Mais est-ce d’un payen que nous devons apprendre ce qui convient à Dieu ? Plutarque reconnoît une loi, qui impose aux dieux la nécessité de la suivre : c’est le destin. Pour nous, nous savons que Dieu ne peut avoir d’autre loi que celle qu’il s’impose à lui-même ; vérité que l’auteur semble reconn-

  1. Esprit des Lois, livre I, chapitre I.