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EXAMEN CRITIQUE.

L’auteur traite de la polygamie (livre XVI), et dit que la loi qui ne permet qu’une femme est conforme au physique du climat de l’Europe, et non au physique du climat de l’Asie. « C’est pour cela, ajoute- t-il, que le mahométisme a trouvé tant de facilité à s’établir en Asie, et tant de difficulté à s’établir en Europe ; que le christianisme s’est maintenu en Europe, et a été détruit en Asie, et qu’en effet les mahométans font tant de progrès à la Chine, et les chrétiens si peu. » (Livre XVI, chapitre II.) Le chapitre IV porte pour titre, que « la loi de la polygamie est une affaire de calcul [1] » ; c’est-à-dire que dans les lieux où il naît plus de garçons que de filles, comme en Europe, on ne doit épouser qu’une femme ; dans ceux où il naît plus de filles que de garçons, la polygamie doit y être introduite. L’auteur observe que dans les climats froids de l’Asie, où il naît plus de garçons que de filles, on permet à une femme d’avoir plusieurs maris. La raison qu’il en donne, « c’est que la pluralité des femmes, ou même la pluralité des hommes est plus conforme à la nature dans certains pays que dans d’autres. Dans tout ceci, continue-t-il, je ne justifie pas les usages, mais j’en rends les raisons. » Comme si ce n’étoit pas justifier la double polygamie à l’égard de certains pays, que de dire qu'elle y est plus conforme à la nature : d’ailleurs la polygamie d’une femme qui a plusieurs maris est un désordre monstrueux, qui n’a été permis en aucun cas, et que l’auteur ne distingue en aucune sorte de la polygamie d’un homme qui a plusieurs femmes. Ce langage dans un sectateur de la religion naturelle n’a pas besoin de commentaire.

  1. Ce titre a été remplacé dans l’édition de 1758 par celui-ci : De la Polygamie ; ses diverses circonstances.