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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t6.djvu/153

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DE L’ESPRIT DES LOIS.


sont ouverts pour la repousser ? Qu’importe par qui le bien se fasse, pourvu qu’il se fasse. Les préventions où l’on est à notre égard doivent-elles influer sur la religion, jusqu’à la laisser en proie à ses ennemis, parce que Dieu nous a donné quelque zèle pour la défendre. On s’est plaint en tout temps que l’erreur souffroit tout, hors la vérité. Nous avons encore cette marque de conformité avec les anciens défenseurs de la religion que le monde n’aura de haine que contre nous. Cet acharnement à défendre les appelants [1] , tandis que les déistes marchent tête levée, est pour quiconque sait rechercher la gloire de l’appel et l’ignominie de la bulle.

Ajoutons à cette analyse : 1° que ceux que nous appelons les messieurs de la religion naturelle n’en ont proprement aucune, puisque c’est n’avoir aucune religion, que de n’avoir que celle qu’on se fait en suivant une raison aveugle et corrompue ; 2° que l’ouvrage dont il s’agit n’est pas moins contraire aux saines maximes du gouvernement temporel qu’à la religion de Jésus-Christ et aux saintes règles de l’Évangile. On fera brûler par la main du bourreau les Nouvelles ecclésiastiques, dont le but unique et perpétuel est de confirmer les hommes dans la possession des vérités qui font également et le vrai chrétien et le fidèle sujet du roi ; et on laissera débiter un malheureux écrit qui apprend aux hommes à regarder la vertu comme un mobile inutile dans les monarchies, et toutes les religions, même la véritable, comme une affaire de politique, une pure suite du climat, etc. Qu’il nous soit permis de le dire : L’un ne seroit-il pas une punition de l’autre ?

  1. C'est-à-dire à empêcher de parler les Jansénistes, qui en appellent de la bulle Unigenitus au futur concile.
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