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DÉFENSE


PREMIÈRE OBJECTION.


L’auteur a loué les stoïciens, qui admettaient une fatalité aveugle, un enchaînement nécessaire, etc. [1]. C’est le fondement de la religion naturelle.

RÉPONSE.


Je suppose, un moment, que cette mauvaise manière de raisonner soit bonne. L’auteur a-t-il loué la physique et la métaphysique des stoïciens ? Il a loué leur morale ; il a dit que les peuples en avoient tiré de grands biens : il a dit cela, et il n’a rien dit de plus : je me trompe, il a dit plus, car, dès la première page du livre, il a attaqué cette fatalité des stoïciens : il ne l'a donc pas louée, quand il a loué les stoïciens.


SECONDE OBJECTION.


L’auteur a loué Bayle, en l’appelant un grand homme [2].


RÉPONSE.


Je suppose encore un moment qu’en général cette manière de raisonner soit bonne : elle ne l’est pas du moins

  1. Page 165 de la deuxième feuille du 10 octobre 1749. (M.) Sup. p. 132.
  2. Page 105 de la deuxième feuille. (M.) Peu de gens aujourd’hui trouveront que l’épithète de grand homme appliquée à Bayle soit à sa place. Mais les contemporains en jugeaient autrement ; Leibnitz faisait le plus grand cas de ce Dictionnaire merveilleux, et disait à la mort de Bayle que ce n’était pas une petite perte que celle d’un auteur dont la doctrine et la pénétration avaient peu d’égales. On sait que c’est pour répondre à Bayle que Leibnitz écrivit sa Théodicée. En deux mots, Bayle, au XVIIIe siècle jouait le rôle de Sainte-Beuve dans celui-ci, mais avec plus de nouveauté et de hardiesse dans la pensée.