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DÉFENSE


tuellement tout d’un côté, et de faire perdre les traces de l’autre ? Fait-il bien de ne distinguer jamais ceux qui ne reconnoissent que la seule religion naturelle, d’avec ceux qui reconnoissent et la religion naturelle et la révélation ? Fait-il bien de s’effaroucher toutes les fois que l’auteur considère l’homme dans l’état de la religion naturelle, et qu’il explique quelque chose sur les principes de la religion naturelle ? Fait-il bien de confondre la religion naturelle avec l’athéisme ? N’ai-je pas toujours ouï dire que nous avions tous une religion naturelle ? N’ai-je pas ouï dire que le christianisme étoit la perfection de la religion naturelle ? N’ai-je pas ouï dire que l’on employoit la religion naturelle pour prouver la révélation contre les déistes ; et que l’on employoit la même religion naturelle pour prouver l’existence de Dieu, contre les athées ? Il dit que les stoïciens étoient des sectateurs de la religion naturelle ; et moi, je lui dis qu’ils étoient des athées [1], puisqu’ils croyoient qu’une fatalité aveugle gouvernoit l’univers ; et que c’est par la religion naturelle Que l’on combat les stoïciens. Il dit que le système de la religion naturelle rentre dans celui de Spinosa [2] ; et moi, je lui dis qu’ils sont contradictoires, et que c’est par la religion naturelle qu’on détruit le système de Spinosa. Je lui dis que confondre la religion naturelle avec l’athéisme, c’est confondre la preuve avec la chose qu’on veut prouver, et l’objection

  1. Voyez la page 105 des feuilles du 9 octobre 1740. [Sup., p. 133.]

    « Les stoïciens n’admettoient qu’un Dieu ; mais ce Dieu n’étoit autre chose que l’âme du monde. Ils vouloient que tous les êtres, depuis le premier, fussent nécessairement enchaînés les uns avec les autres ; une nécessité fatale entraînoit tout. Ils nioient l’immortalité de l’âme, et faisoient consister le souverain bonheur à vivre conformément à la nature. C’est le fond du système de la religion naturelle. » (M.)

  2. Voyez page 101 de la première feuille du 9 octobre 1749, à la fin de la première colonne. (M.) Sup., p. 117.