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DE L’ESPRIT DES LOIS.


Mais comment a-t-on pu manquer ainsi le sujet et le but d’un ouvrage qu’on avoit devant les yeux ? Ceux qui auront quelques lumières verront du premier coup d’œil que cet ouvrage a pour objet les lois, les coutumes et les divers usages de tous les peuples de la terre. On peut dire que le sujet en est immense, puisqu’il embrasse toutes les institutions qui sontreçues parmi les hommes ; puisque l’auteur distingue ces institutions ; qu’il examine celles qui conviennent le plus à la société, et à chaque société ; qu’il en cherche l’origine ; qu’il en découvre les causes physiques et morales ; qu’il examine celles qui ont un degré de bonté par elles-mêmes, et celles qui n’en ont aucun ; que de deux pratiques pernicieuses, il cherche celle qui l’est plus et celle qui l’est moins ; qu’il y discute celles qui peuvent avoir de bons effets à un certain égard, et de mauvais dans un autre. Il a cru ses recherches utiles, parce que le bon sens consiste beaucoup à connoître les nuances des choses. Or, dans un sujet aussi étendu, il a été nécessaire de traiter de la religion : car, y ayant sur la terre une religion vraie et une infinité de fausses, une religion envoyée du ciel et une infinité d’autres qui sont nées sur la terre, il n’a pu regarder toutes les religions fausses que comme des institutions humaines : ainsi il a dû les examiner comme toutes les autres institutions humaines. Et, quant à la religion chrétienne, il n’a eu qu’à l’adorer, comme étant une institution divine. Ce n’étoit point de cette religion qu’il devoit traiter ; parce que, par sa nature, elle n’est sujette à aucun examen : de sorte que, quand il en a parlé, il ne l’a jamais fait pour la faire entrer dans le plan de son ouvrage, mais pour lui payer le tribut de respect et d’amour qui lui est dû par tout chrétien ; et, pour que, dans les comparaisons qu’il en pou voit faire