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DE L’ESPRIT DES LOIS.


croire les mystères, mais il n’oblige pas à les croire. Il réduit le dogme nécessaire à quelques articles qui peuvent être connus par la lumière naturelle ; sur tout le reste il permet de penser ce qu’on voudra. A l’égard du culte extérieur, il le soumet à la puissance séculière. Nul, dit-il, ne peut s’acquitter de l’obéissance qu’il doit à Dieu, qu’en accommodant le culte extérieur de la religion à la paix de la république ; et par conséquent en exécutant tout ce qu’il plaît aux souverains de commander (chap. XIX). Donc quand « Montézuma s’obstinoit tant à dire que la religion des Espagnols étoit bonne pour leur pays, et celle du Mexique pour le sien, il ne disoit pas une absurdité ». Cette réflexion, comme l'on voit, naît tout naturellement des principes de Spinosa. L’auteur se défend d’être spinosiste ; nous sommes fâchés de trouver dans son livre de ces traits qui décèlent un auteur. Celui que nous venons de citer en dit trop ; il n’est pas le seul que nous aurons occasion de relever.

L’adresse de l’auteur, pour nous réfuter, est de jeter, quand il peut, un ridicule sur ce que nous disons, en ne rapportant de notre texte que ce qui entre dans son dessein, et en supprimant ce qui le dérangeroit. Le mot qu’il a vu au commencement de notre critique lui a paru tout à fait propre à égayer sa matière. Il en est de même du péché originel et de la grâce dont il prétend qu’il n’a pas dû parler dans un ouvrage où il traite des lois en jurisconsulte politique. Il est aisé de faire rire le monde d’un auteur quand on l’habille à sa façon ; mais lorsqu’il reparoît dans son naturel, le ris change en indignation contre le censeur. Nous avons dit que l’auteur suppose partout que les hommes ont été créés avec l’ignorance et la concupiscence, sujets aux maladies et à la mort. Quand on