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SUITE DE LA DÉFENSE


effets analogues à leurs principes, c’est-à-dire la destruction du pouvoir arbitraire. Si ce pouvoir ne peut tenir contre les efforts des vertus morales, soutiendra-t-il mieux les combats des vertus chrétiennes ? Non, « la religion chrétienne, malgré la grandeur de l’empire et le vice du climat, empêchera le despotisme de s’établir en Éthiopie, et portera au milieu de l’Afrique les mœurs de l’Europe et ses lois [1] ». Le Danemark se dépouillera de tous ses droits, et le prince n’en usera que pour le bien de l’État ; les États conféreront au prince une autorité absolue, et le prince n’en exercera qu’une modérée.

L’exil de l’honneur et de la vertu est donc nécessaire à la conservation de l’État despotique. Ce gouvernement ne porte que sur cet axiome : « Tous doivent tout à Un ; et Un ne doit rien à Tous ; » or cet axiome détruit le droit naturel ; la destruction du droit naturel suppose celle des rapports entre les choses ; la destruction des rapports entraîne celle de la vérité qui n’a d’autre fondement que le lien mutuel des objets ; et la destruction de la vérité n’emporte-t-elle pas celle de la vertu, qui n’est qu’une suite de la connoissance de la vérité ? Le nier, ce seroit affirmer que l’effet peut survivre à sa cause. Que conclure de tout ceci ? 1° Que le gouvernement despotique est vicieux dans son principe, et c’est ce que M. de M... a prouvé ;

2° Que cet auteur, loin d’être blâmable d’avoir dit que la vertu n’y étoit point nécessaire, est coupable d’une légère inexactitude, en ce qu’il auroit dû dire, qu’il étoit nécessaire qu’il n’y en eut point ;

3° Qu’il s’est plaint, avec raison, que « les critiques

  1. Liv. XXIV, c. III, de l'Esprit des Lois.