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DE L’ESPRIT DES LOIS.


causes se manifestent par leurs effets ; et la prévention ne peut tenir contre la connoissance de ces effets. Bellarmin aura beau être regardé comme un saint en Italie, il sera regardé comme un séditieux en France : la canonisation ne sanctifiera pas ses fureurs du temps de la Ligue. Saint Jérôme aura beau avoir quelques centaines d’années pour lui, ses déclamations contre le mariage, ses opinions mystiques sur le célibat, serviront en tout temps à le dégrader. Les moines auront beau se parer d’un grand amour de la perfection, de leurs vœux de pauvreté, d’obéissance et de chasteté, de leur fidélité à remplir ces vœux, il seront toujours coupables envers la société, pour laquelle ils étoient nés, à laquelle ils sont inutiles ; quoi qu’en pense le vulgaire, ce sera toujours un mauvais zèle que d’augmenter le nombre des saints en diminuant celui des hommes.

« Nous avons encore observé que l’auteur se plaint de ce que des sectes de philosophes avoient attaché une idée de perfection à tout ce qui mène une vie spéculative : « d’où l’on avoit vu naître l’éloignement pour les soins et les embarras d’une famille. »

A quoi bon cette observation ? Le fait est-il vrai ? M. de M... a pu se servir de cette vérité, parce que toutes les vérités appartiennent au philosophe.

« La religion chrétienne, poursuit-il, venant après la philosophie, fixa, pour ainsi dire, des idées que celle-ci n’avoit fait que préparer. »

Voilà le venin. C’est calomnier le christianisme que d’avancer qu’il vint après telle secte de philosophes, et qu’il eut quelque chose de commun avec elle. A la vérité, M. de M... ne dit pas tout à fait cela ; il dit seulement que « les changements de Constantin furent faits, ou sur