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DE L’ESPRIT DES LOIS.


triomphe. Le premier est zélé ; le second est généreux. Leibnitz dresse, dans sa Théodicée, un mausolée à la gloire de Bayle qu’il place dans le ciel, où il contemple la vérité sans nuage et sans voile : Crouzas le damne sans miséricorde.

Parmi quelques théologiens, c’est une espèce de mode de faire le procès à la religion des plus grands philosophes : ils ressemblent à ces affreux esclaves d’Orient, qui soupçonnent toujours la fidélité de la plus belle femme du sérail confiée à leur vigilance impuissante. Les L’Hôpital, les Leibnitz, les Halley, les Descartes sont accusés d’athéisme. Quel service aura-t-on rendu au christianisme quand on aura prouvé que Wolff, Montesquieu, Pope, etc., ne l’ont pas cru, que ceux qui pouvoient le mieux en reconnoltre la vérité l’ont regardé comme l’ouvrage de l’imposture, et que les meilleurs philosophes ont été les plus mauvais chrétiens ?

L’article du mariage a fourni divers griefs aux critiques. Je ne m’arrêterai point sur ce qui concerne la polygamie. Le défenseur de l'Esprit des Lois les a réfutés victorieusement.

Je dirai seulement deux mots sur l’établissement du mariage que M. de M... rapporte à l’obligation naturelle qu’a le père de nourrir ses enfants. « Un chrétien, disent-ils, le rapporteroit à Dieu même, qui donna une compagne à Adam. »

Dans un livre de politique, il n’est pas question de la Genèse : dans un livre, fait pour tous les hommes, il ne falloit alléguer que des raisons à la portée de tous les hommes. M. de M... écrivoit pour le genre humain ; il falloit donc faire abstraction des vérités particulières, et n’en donner que de générales. S’il avoit cité ces paroles :