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NOTE SUR UN OUVRAGE INÉDIT


du nord, et parce que la petite quantité d’espèces métalliques qui existoient servoit à faire des échanges contre des marchandises.

« L’Espagne, se trouvant tout à coup en possession d’une plus grande quantité d’or et d’argent, a été un moment riche ; mais la multiplication du numéraire a fait hausser le prix des objets d’échange, et la production d’argent a suivi à peine ce renchérissement. Mais la main-d’œuvre a augmenté dans la même proportion ; le prix de transport de ces métaux précieux a doublé, triplé, quadruplé ; et pareille quantité d’or et d’argent a bientôt coûté, pour l’extraction, le travail et le transport, deux, trois, quatre fois plus qu’au début de la possession, et a représenté dans les échanges une valeur graduellement décroissante, à mesure que le numéraire métallique se multiplioit. »

Là, revient cette distinction de la richesse réelle qui vient de la production et de la richesse de fiction, celle de l’argent qui n’est qu’une image, qu’une convention, mais qui n’est pas une utilité directe. Or, cette valeur en quelque sorte nominale, les banques que les Hollandais établirent lui firent une sérieuse concurrence, puisque le crédit représentait aussi bien des valeurs de production que le numéraire.

Montesquieu même essaye d’estimer en chiffres la détérioration croissante du numéraire par les causes énoncées précédemment ; et il trouve que le renchérissement des valeurs réelles et les frais plus grands d’exploitation ont abaissé de 400 à 60, puis à 40, puis à 30, etc., le prix des métaux venus du Mexique et du Pérou.

Et puis l’Espagne était trop éloignée des Indes ! Dans les rapports où se trouvaient ces deux empires, l’Amérique qui produisait, était le principal, et l’Espagne qui consommait, était un État accessoire ; dans l’ordre des choses, c’est l’Espagne qui aurait dû être une colonie de l’Amérique.

A la suite de considérations assez étendues sur ce même sujet, Montesquieu a placé quelques aphorismes.

« Il n’est pas bon que la richesse d’un prince lui vienne immédiatement et par voie accidentelle ; elle doit lui arriver par la voie des impôts, qui doivent toujours être l’expression de l’aisance des sujets. »

Montesquieu finit par comparer le sol producteur de la France avec le sol consommateur de l’Espagne, et termine ainsi : « Joui-