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LIVRE XXXI, CHAP. XI.

Saint Eucher, évêque d’Orléans, eut une vision qui étonna les princes. Il faut que je rapporte à ce sujet la lettre [1] que les évêques assemblés à Reims écrivirent à Louis le Germanique, qui étoit entré dans les terres de Charles le Chauve, parce qu’elle est très-propre à nous faire voir quel étoit, dans ces temps-là, l’état des choses, et la situation des esprits. Ils disent [2] que « saint Eucher ayant été ravi dans le ciel, il vit Charles Martel tourmenté dans l’enfer inférieur, par l’ordre des saints qui doivent assister avec Jésus-Christ au jugement dernier ; qu’il avoit été condamné à cette peine avant le temps, pour avoir dépouillé les églises de leurs biens, et de s’être par là rendu coupable des péchés de tous ceux qui les avoient dotées ; que le roi Pépin fit tenir à ce sujet un concile ; qu’il fit rendre aux églises tout ce qu’il put retirer des biens ecclésiastiques ; que, comme il n’en put ravoir qu’une partie à cause de ses démêlés avec Vaifre, duc d’Aquitaine, il fit faire, en faveur des églises, des lettres précaires du reste [3] ; et régla que les laïques paieroient une dime des biens qu’ils tenoient des églises, et douze deniers pour chaque maison ; que Charlemagne ne donna point les biens de l’Église ;

    rité de tant de papes fit sur l’esprit des François. Quoique le roi Pépin eût déjà été couronné par l’archevêque de Mayence, il regarda l’onction qu’il reçut du pape Étienne comme une chose qui le confirmoit dans tous ses droits. (M.)

  1. Anno 858, apud Carisiacum, édition de Baluze, tome II, p. 101. (M.)
  2. Ibid., tome II, art. 7, p. 109. (M.)
  3. Precaria, quod precibus utendum conceditur, dit Cujas, dans ses notes sur le Livre I des fiefs. Je trouve dans un diplôme du roi Pépin, daté de la troisième année de son règne, que ce prince n’établit pas le premier ces lettres précaires ; il en cite une faite par le maire Ébroin et continuée depuis. Voyez le diplôme de ce roi, dans le tome V des Historiens de France des bénédictins, art. 6. (M.)