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DE L’ESPRIT DES LOIS.


stitution [1] de Clotaire dit seulement qu’on ne lèveroit point de certaines dîmes [2] sur les biens de l’Église. Bien loin donc que l’Église levât des dîmes dans ces temps-là, toute sa prétention étoit de s’en faire exempter. Le second concile de Mâcon [3], tenu l'an 585, qui ordonne que l’on paie les dîmes, dit, à la vérité, qu’on les avoit payées dans les temps anciens ; mais il dit aussi que, de son temps, on ne les payoit plus.

Qui doute qu’avant Charlemagne on n’eût ouvert la Bible, et prêché les dons et les offrandes du Lévitique ? Mais je dis qu’avant ce prince les dîmes pouvoient être prêchées, mais qu’elles n’étoient point établies.

J’ai dit que les règlements faits sous le roi Pépin avoient soumis au paiement des dîmes et aux réparations des églises, ceux qui possédoient en fief les biens ecclésiastiques. C’étoit beaucoup d’obliger par une loi, dont on ne pouvoit disputer la justice, les principaux de la nation à donner l’exemple.

Charlemagne fit plus : et on voit, par le capitulaire de Villis [4], qu’il obligea ses propres fonds au paiement des dîmes : c’étoit encore un grand exemple.

Mais le bas peuple n’est guère capable d’abandonner

  1. C’est celle dont J’ai tant parlé au chapitre IV ci-dessus, que l’on trouve dans redit, des Capitutaires de Baluze, tome I, art. 11, p. 9. (M.)
  2. Agraria et pascuaria, vel decimas porcorum, Ecclesiœ concedimus ; ita ut actor aut decimator in rébus Ecclesiœ nullus accedat. Le capitulaire de Charlemagne, de l’an 800, édit. de Baluze, p. 336, explique très-bien ce que c’étoit que cette sorte de dîme dont Clotaire exempte l’Église : c’étoit le dixième des cochons que l’on mettoit dans les forêts du roi pour engraisser : et Charlemagne veut que ses juges le paient comme les autres, afin de donner l’exemple. On voit que c’étoit un droit seigneurial ou économique. (M.)
  3. Canone V, ex tomo I. Conciliorum antiquorum Galliœ, opera Jacobi Sirmondi. (M.)
  4. Art. 6, édit. de Baluze, p. 332. Il fut donné l’an 800. (M.)