Mais s’il faut de l’ordre dans les choses, il faut aussi de la variété : sans cela l’âme languit, car les choses semblables lui paraissent les mêmes ; et, si une partie d’un tableau qu’on nous découvre ressemblait à un autre que nous aurions vue, cet objet serait nouveau sans le paraître, et ne ferait aucun plaisir. Et, comme les beautés des ouvrages de l’art, semblables à celles de la nature, ne consistent que dans les plaisirs qu’elles nous font, il faut les rendre propres, le plus que l’on peut, à varier ces plaisirs ; il faut faire voir à l’âme des choses qu’elle n’a pas vues ; il faut que le sentiment qu’on lui donne soit différent de celui qu’elle vient d’avoir.
C’est ainsi que les histoires nous plaisent par la variété des récits, les romans par la variété des prodiges, les pièces de théâtre par la variété des passions ; et que ceux qui savent instruire modifient le plus qu’ils peuvent le ton uniforme de l’instruction.
Une longue uniformité rend tout insupportable ; le même ordre des périodes, longtemps continué, accable dans une harangue ; les mêmes nombres et les mêmes chutes mettent de l’ennui dans un long poëme. S’il est vrai que l’on ait fait cette fameuse allée de Moscou à Pétersbourg, le voyageur doit périr d’ennui, renfermé entre les deux rangs de cette allée ; et celui qui aura voyagé longtemps dans les Alpes en descendra dégoûté des situations les plus heureuses et des points de vue les plus charmants.
L’âme aime la variété ; mais elle ne l’aime, avons-nous dit, que parce qu’elle est faite pour connaître et pour voir : il faut donc qu’elle puisse voir, et que la variété le lui permette ; c’est-à-dire, il faut qu’une chose soit assez simple