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SUR LE GOUT


DES PLAISIRS DE LA SYMÉTRIE.


J’ai dit que l’âme aime la variété ; cependant, dans la plupart des choses, elle aime à voir une espèce de symétrie. Il semble que cela renferme quelque contradiction : voici comment j’explique cela.

Une des principales causes des plaisirs de notre âme lorsqu’elle voit des objets, c’est la facilité qu’elle a à les apercevoir : et la raison qui fait que la symétrie plaît à l’âme, c’est qu’elle lui épargne de la peine, qu’elle la soulage, et qu’elle coupe pour ainsi dire l’ouvrage par la moitié.

De là suit une règle générale. Partout où la symétrie est utile à l’âme, et peut aider ses fonctions, elle lui est agréable ; mais partout où elle est inutile, elle est fade, parce qu’elle ôte la variété. Or les choses que nous voyons successivement doivent avoir de la variété ; car notre âme n’a aucune difficulté à les voir. Celles au contraire que nous apercevons d’un coup d’œil doivent avoir de la symétrie : ainsi, comme nous apercevons d’un coup d’œil la façade d’un bâtiment, un parterre, un temple, on y met de la symétrie, qui plaît à l’âme par la facilité qu’elle lui donne d’embrasser d’abord tout l’objet.

Comme il faut que l’objet que l’on doit voir d’un coup d’œil soit simple, il faut qu’il soit unique, et que les parties se rapportent toutes à l’objet principal ; c’est pour cela encore qu’on aime la symétrie ; elle fait un tout ensemble.

Il est dans la nature qu’un tout soit achevé, et l’âme qui voit ce tout, veut qu’il n’y ait point de partie imparfaite. C’est encore pour cela qu’on aime la symétrie ; il faut une espèce de pondération ou de balancement : et un