Les poëtes qui nous décrivent la vie champêtre nous parlent de l’âge d’or qu’ils regrettent, c’est-à-dire nous parlent d’un temps encore plus heureux et plus tranquille.
Les gens délicats sont ceux qui à chaque idée ou à chaque goût joignent beaucoup d’idées ou beaucoup de goûts accessoires. Les gens grossiers n’ont qu’une sensation ; leur âme ne sait ni composer ni décomposer ; ils ne joignent ni n’ôtent rien à ce que la nature donne : au lieu que les gens délicats dans l’amour se composent la plupart des plaisirs de l’amour. Polyxène et Apicius portaient à la table bien des sensations inconnues à nous autres mangeurs vulgaires ; et ceux qui jugent avec goût des ouvrages d’esprit ont et se font une infinité de sensations que les autres hommes n’ont pas.
Il y a quelquefois dans les personnes ou dans les choses un charme invisible, une grâce naturelle, qu’on n’a pu définir, et qu’on a été forcé d’appeler le « je ne sais quoi ». Il me semble que c’est un effet principalement fondé sur la surprise. Nous sommes touchés de ce qu’une personne nous plaît plus qu’elle ne nous a paru d’abord devoir nous plaire, et nous sommes agréablement surpris de ce qu’elle a su vaincre des défauts que nos yeux nous montrent, et que le cœur ne croit plus. Voilà pourquoi les femmes laides ont très-souvent des grâces, et qu’il est rare que les belles en aient : car une belle personne fait ordinairement le con-