Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t7.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
146
ESSAI

tent notre plaisir, de même, dans les comédies, nous nous divertissons de tout ce qui peut augmenter l’embarras de certains personnages.

Tous ces plaisirs sont fondés, ou sur notre malignité naturelle, ou sur l’aversion que nous donne pour de certains personnages l’intérêt que nous prenons pour d’autres.

Le grand art de la comédie consiste donc à bien ménager et cette affection et cette aversion, de façon que nous ne nous démentions pas d’un bout de la pièce à l’autre, et que nous n’ayions point du dégoût ou du regret d’avoir aimé ou haï, Car on ne peut guère souffrir qu’un caractère odieux devienne intéressant que lorsqu’il y a raison pour cela dans le caractère même, et qu’il s’agit de quelque grande action qui nous surprend, et qui peut servir au dénoûement de la pièce.


PLAISIR CAUSÉ PAR LES JEUX, CHUTES,
CONTRASTES.


Comme dans le jeu de piquet nous avons le plaisir de démêler ce que nous ne connaissons pas par ce que nous connaissons, et que la beauté de ce jeu consiste à paraître nous montrer tout et cependant nous cacher beaucoup, ce qui excite notre curiosité ; ainsi, dans les pièces de théâtre, notre âme est piquée de curiosité, parce qu’on lui montre de certaines choses et qu’on lui en cache d’autres ; elle tombe dans la surprise, parce qu’elle croyait que les choses qu’on lui cache arriveraient d’une certaine façon, qu’elles arrivent d’une autre, et qu’elle a fait, pour ainsi dire, de fausses prédictions sur ce qu’elle a vu.

Comme le plaisir du jeu de l’hombre consiste dans