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PENSÉES DIVERSES.

dure, je n’y entendais rien. Je m’y suis pourtant appliqué ; mais ce qui m’en dégoûtait le plus, c’est que je voyais à des bêtes le même talent qui me fuyait, pour ainsi dire.

Ma machine est tellement composée, que j’ai besoin de me recueillir dans toutes les matières un peu abstraites ; sans cela mes idées se confondent ; et, si je sens que je suis écouté, il me semble dès lors que toute la question s’évanouit devant moi ; plusieurs traces se réveillent à la fois, il résulte de là qu’aucune trace n’est réveillée. Quant aux conversations de raisonnement où les sujets sont toujours coupés et recoupés, je m’en tire assez bien.

Je n’ai jamais vu couler de larmes sans en être attendri.

Je suis amoureux de l’amitié.

Je pardonne aisément, par la raison que je ne suis pas haineux : il me semble que la haine est douloureuse. Lorsque quelqu’un a voulu se réconcilier avec moi, j’ai senti ma vanité flattée, et j’ai cessé de regarder comme ennemi un homme qui me rendait le service de me donner bonne opinion de moi.

Dans mes terres, avec mes vassaux, je n’ai jamais voulu que l’on m’aigrît sur le compte de quelqu’un. Quand on m’a dit : « Si vous saviez les discours qui ont été tenus !… Je ne veux pas les savoir, » ai-je répondu. Si ce qu’on voulait rapporter était faux, je ne voulais pas courir le risque de le croire ; si c’était vrai, je ne voulais pas prendre la peine de hair un faquin.

A l’âge de trente-cinq ans j’aimais encore.

Il m’est aussi impossible d’aller chez quelqu’un dans des vues d’intérêt qu’il m’est impossible de rester dans les airs.

Quand j’ai été dans le monde, je l’ai aimé comme si je