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LETTRES FAMILIÈRES.

a rien que d’exquis. Il y a une chambre qui contient tous les portraits des peintres qui ont quelque réputation, faits par eux-mêmes. Outre le plaisir de voir une chose qui ne se trouve que là, on a encore celui de comparer les manières. Depuis que je suis en Italie, j’ai ouvert les yeux sur les arts dont je n’avois absolument aucune idée.

À mesure que les goûts dominants commencent à s’affoiblir, on se dédommage par un grand nombre de petits goûts ; c’est un échange qu’on fait malgré soi ; il ne faut pas examiner si on y perd ou si on y gagne.

Je vous ai ennuyée. Madame, en vous parlant de Florence. Nous nous imaginons que les choses qui nous frappent doivent frapper tout le monde de même. Je vous demande toujours la permission de vous être attaché tendrement et respectueusement le reste de ma vie.


Montesquieu.


À Florence, le 26 octobre 1728.


Agréez que je salue ici très-humblement M. et Mme de Saint-Aulaire, et les mardis et les mercredis.

J’ai oublié de vous dire que j’ai été huit jours à Gênes, et que je m’y suis ennuyé à la mort ; c’est la Narbonne de l’Italie[1]. Il n’y a rien à y voir qu’un très-mauvais port, des maisons bâties de marbre, parce que la pierre est trop chère, et des juifs qui vont à la messe. J’ai rapporté la moitié de mes lettres de recommandation sans avoir voulu les rendre. Je crois que vous avez été bien touchée de la mort de M. d’Armenonville. J’ai l’honneur d’écrire par ce courrier à M. de Morville.

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  1. Montesquieu a exhale sa mauvaise humeur contre Gênes dans les Adieux à Gênes, qu’on trouve dans ses poésies, sup. p. 198.