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LETTRES FAMILIÈRES.

Les propositions du ministre de Prusse pour la levée d’un régiment étranger, méritent sans doute plus d’attention, dès qu’elles peuvent se combiner avec vos finances. Mais il faut calculer pour l’avenir : quelle assurance qu’à la paix le régiment ne soit point réformé ? Et, en ce cas, quel dédommagement pour les avances que vous serez obligé de faire ? En matière d’intérêt, il faut bien stipuler avec cette Cour. Je doute d’ailleurs que le génie italien s’accommode avec l’esprit du service prussien : j’aurois bien des choses à vous dire là-dessus ; mais vous êtes trop clairvoyant.

A l’égard des avantages que l’on vous fait entrevoir au service du nouvel Empereur[1], vous êtes plus à portée que moi de juger de leur solidité, et trop sage pour vous laisser éblouir. Pour moi, qui ne suis pas encore bien persuadé de la stabilité du nouveau système politique d’Allemagne, je ne fonderois pas mes espérances sur une fortune précaire et peut-être passagère. Par ce que j’ai l’honneur de vous dire, vous sentez que je ne puis qu’approuver la préférence que vous donneriez à des engagements pour le service d’Autriche. Outre que c’est là votre première inclination, l’exemple de nombre de vos compatriotes vous prouve que c’est le service naturel de votre nation. Quels que soient les revers actuels de la cour de Vienne, je ne les regarde que comme des disgrâces passagères ; car une grande et ancienne puissance, qui a des forces naturelles et intrinsèques, ne sauroit tomber tout à coup. En supposant même quelques échecs, le service y sera toujours plus solide que celui d’une puissance naissante. Il y a tout à parier que la cour de Turin, dans la guerre présente, fera cause commune

  1. Charles VII, électeur de Bavière.