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LETTRES FAMILIÈRES.


de la place distinguée que vous m’avez donnée dans votre Triomphe [1] ; vous êtes Pétrarque, et moi pas grand’chose. M. Tercie [2] m’a écrit pour me prier de vous remercier de sa part de l’exemplaire que je lui ai envoyé, et de vous dire que M. de Puylsieux avoit reçu le sien avec toute sorte de satisfaction [3]. Comme il n’en est venu ici que très-peu d’exemplaires, je ne pourrai pas encore vous marquer le succès de l’ouvrage ; mais j’en ai ouï dire du bien, et il me paroît que c’est de la belle poésie.


Et te fecere poetam
Pierides [4],


Je ne puis pas m’accoutumer, mon cher Abbé, à penser que vous n’êtes plus à Bordeaux : vous y avez laissé bien

  1. L’ouvrage de M. l’abbé Venuti, dont parle M. de Montesquieu, est intitulé, il Trionfo litterario délia Fiancia (le Triomphe littéraire de la France). Rappelé dans sa patrie, M. l’abbé Venuti craignit qu’on ne l’accusât d’ingratitude, si, en quittant la France, il ne laissoit aucun monument de sa reconnoissance pour tous les agréments qu’il y avoit trouvés, et de son admiration pour les grands génies qu’elle renferme dans son sein. C’est dans cette vue qu’il a composé son poëme en plusieurs chants, où il donne des éloges auxquels l’amitié a bien autant de part que le vrai mérite. Quoi qu’il en soit, on ne refuse pas de souscrire à ce qu’il dit de M. de Montesquieu : « Si une âme aussi grande, dit-il, se fût trouvée dans le sénat latin, la liberté romaine vivroit encore à la honte des tyrans. Son nom surpassera la durée du roc Tarpéien ; et sa gloire ne périra point tant que Thémis dictera ses oracles sur les bancs françois, et que les dieux conserveront à l’homme le don de la pensée. » Tel est le sens du compliment que l’abbé Venuti a fait à M. de Montesquieu dans son poëme italien, et dont M. de Montesquieu le remercie dans celte lettre. (Édition parisienne de 1767.)
  2. L’un des premiers commis du bureau des affaires étrangères, et fort savant académicien de Paris, le même qui essuya depuis tant de mortifications, pour avoir, en qualité de censeur royal, donné son approbation pour l’impression du livre de l’Esprit. (GUASCO.)

    Il est mort, il y a environ un an. — Édition parisienne de 1767.

  3. Le poème de l’abbé Venuti était dédié à M. de Puylsieux, alors ministre des affaires étrangères.
  4. Virg., Ecl., IX, 32.