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LETTRES FAMILIÈRES.


votre ancienne hôtesse, n’est plus : dès que je vous saurai arrivé, je hâterai mon départ.

Ce que vous a dit le pape de la lettre [1]de Louis XIV à Clément XI est une anecdote assez curieuse. Le confesseur n’eut pas sans doute plus de difficulté d’engager le roi à promettre qu’il feroit rétracter les quatre propositions du clergé, qu’il en eut à faire promettre que sa bulle seroit reçue sans contradiction ; mais les rois ne peuvent pas tenir tout ce qu’ils promettent, parce qu’ils promettent quelquefois sur la foi de ceux qui les conseillent suivant leurs intérêts. Adieu, mon cher comte ; je vous salue et embrasse mille fois.

De la Brède, ce 3 novembre 1754.
  1. Sa Sainteté lui avoit dit avoir entre ses mains une lettre par laquelle ce monarque promettoit à Clément XI de faire rétracter son clergé de la délibération, touchant les quatre propositions du clergé de France de 1682 ; que cette lettre lui avoit tenu si fort à cœur que, pour la tirer des mains du cardinal Annibal Albani camerlingue, qui faisoit difficulté de la livrer, il avoit été obligé de lui accorder, non sans quelque scrupule, disoit-il, certaines dispenses que ce cardinal exigeoit. (GUASCO.)

    Le cardinal de Polignac a conté à quelqu’un une anecdote qui a rapport à ceci, et qui est digne d’être rapportée :

    Le P. le Tellier alla un jour le trouver, et lui dit que le roi étant déterminé de faire soutenir, dans toute la France, l’infaillibilité il prioit Son Éminence d’y donner la main : à quoi le cardinal répondit : « Mon père, si vous entreprenez une pareille chose, vous forez mourir le roi bientôt. » Ce qui fit suspendre les démarches et les intrigues du confesseur à ce sujet. (Édition de Florence-Paris 1707.)

    La lettre de Louis XIV au pape a été publiée par Daunou, dans l’Essai historique sur la puissance temporelle des Papes, t. II, p. 194. Louis XIV reconnaissait que la question de infaillibilité était une question libre, et promettait de laisser toute liberté sur ce point au clergé français, qui, du reste, tenait en grande majorité, comme les Parlements, pour la supériorité du concile. On peut voir une autre lettre de Louis XIV dans les Opuscules inédits de M. l’abbé Fleury, publiés en 1818 par l’abbé Emery, p. 266.

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