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A PAPHOS.

Enfin je vis Vénus. Je l’avoue, Mélite ! sa beauté a quelque chose au-dessus de la vôtre ; mais elle ne doit qu’à la Divinité le peu d’avantage qu’elle a sur vous.

Elle reçut mes hommages avec un sourire qui ne me permit pas de douter de mon bonheur ; et je sentis que sa présence augmentait mon ardeur pour son culte.

Un disciple d’Apollon, amoureux à Paphos, se présenta à la Déesse, et récita un poëme [1] qu’il avait composé, disait-il, pour célébrer dignement les plaisirs de l’Amour. Il employa avec un air de contentement tout ce que le Parnasse sait mettre en usage pour faire valoir ses productions. Vénus, sans être touchée de l’emphase du disciple, lui répondit d’un ton qui ne le flattait pas : « Les Muses seront peut-être contentes de votre ouvrage [2] ; mais je connais des plaisirs qu’Apollon même n’exprimera jamais. »

Les nymphes se retirèrent pour laisser la déesse avec Ariane et Bacchus, qui parurent à l’instant. Adonis entra quelque temps après ; pour l’Amour, on le voit rarement à la Cour de Vénus : il s’occupe ailleurs à l’augmenter ; et dans ses moments de loisir [3], il va juger avec Psyché de la douceur des plaisirs qu’il donne à l’univers.

Je suivis Zélide ; elle me conduisit dans la galerie qu’on appelle le Triomphe des mortels.

Les portraits que vous voyez, me dit-elle en entrant, sont autant de trophées à la gloire de ceux qu’ils représentent.


Les sons se perdent dans l'ivresse,
On ne pousse que des soupirs,
Et c'est ainsi que parlent les plaisirs.

  1. A. Et chanta des vers qu’il avait composés, etc.
  2. A. Contentes de vos soins.
  3. A. Dans ses moments de repos.