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SUR LA CONSIDÉRATION.

L’homme vertueux n’a donc à cet égard aucun avantage ; M. le Président de Montesquieu détruit cette objection.

« Quoique, dit-il, la politesse semble être faite pour mettre au même niveau, pour le bien de la paix, le mérite de tout le monde, cependant il est impossible que les hommes veuillent ou puissent se déguiser si fort qu’ils ne fassent sentir de grandes différences entre ceux à qui leur politesse n’a besoin de rien accorder et ceux à qui il faut qu’elle accorde tout. Il est si facile de se mettre au fait de cette espèce de tromperie, le jeu est si fort à découvert, les coups reviennent si souvent, qu’il est rare qu’il y ait beaucoup de dupes. »

L’auteur examine en ce lieu pourquoi si peu de jeunes gens obtiennent la considération. II en donne plusieurs raisons également solides et ingénieuses. Une des principales est l’envie démesurée que nous avons de l’acquérir. « Nous voulons nous distinguer ; mais il ne nous suffit pas de le faire en général ; nous voulons encore nous distinguer à chaque moment et, pour ainsi dire, en détail : et c’est ce que les qualités réelles, la probité, la bonne foi, la modestie ne donnent pas ; elles font seulement un mérite général, mais il nous faut une distinction pour le moment présent. Voilà d’où vient que nous disons souvent un bon mot qui nous déshonorera demain ; que pour réussir dans une société, nous nous perdons dans quatre, et que nous copions sans cesse des originaux que nous méprisons. »

« Une chose, ajoute l’auteur, qui nous ôte plus la considération que les vices, ce sont les ridicules. Un certain air gauche déshonore bien plus une femme qu’une galanterie. Comme les vices sont presque généraux, on est convenu de se faire bonne guerre, mais chaque ridicule étant personnel, on le traite sans quartier. »

Il y a plusieurs différences essentielles entre la considération et la réputation. On les trouve toutes traitées dans cet endroit. « La principale, selon l’auteur, est que la considération est le résultat de toute une vie, au lieu qu’il ne faut souvent qu’une sottise pour nous donner de la réputation. »

M. le président de Montesquieu traite ensuite ce qui regarde la réputation. Après avoir donné une idée de ce qu’elle est et des agréments qu’elle procure, il parcourt les différents moyens par lesquels on l’obtient.