Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/149

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aient la souveraine puissance : celle du gouvernement monarchique, que le prince y ait la souveraine puissance, mais qu’il l’exerce selon des loix établies : celle du gouvernement despotique, qu’un seul y gouverne selon ses volontés & ses caprices. Il ne m’en faut pas davantage pour trouver leurs trois principes ; ils en dérivent naturellement. Je commencerai par le gouvernement républicain, & je parlerai d’abord du démocratique.


CHAPITRE III.

Du principe de la démocratie.


IL ne faut pas beaucoup de probité, pour qu’un gouvernement monarchique, ou un gouvernement despotique, se maintiennent ou se soutiennent. La force des loix dans l’un, le bras du prince toujours levé dans l’autre, reglent ou contiennent tout. Mais, dans un état populaire, il faut un ressort de plus, qui est la VERTU.

Ce que je dis est confirmé par le corps entier de l’histoire, & est très-conforme à la nature des choses. Car il est clair que, dans une monarchie, où celui qui fait exécuter les loix se juge au-dessus des loix, on a besoin de moins de vertu que dans un gouvernement populaire, où celui qui fait exécuter les loix, sent qu’il y est soumis lui-même, & qu’il en portera le poids.

Il est clair encore que le monarque qui, par mauvais conseil ou par négligence, cesse de faire exécuter les loix, peut aisément réparer le mal ; il n’a qu’à changer de conseil, ou se corriger de cette négligence même. Mais lorsque, dans un gouvernement populaire, les loix ont cessé d’être exécutées, comme cela ne peut venir que de la corruption de la république, l’état est déja perdu.

Ce fut un assez beau spectacle dans le siecle passé, de voir les efforts impuissans des Anglois pour établir parmi eux la démocratie. Comme ceux qui avoient part aux affaires n’avoient point de vertu, que leur ambition